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Exposition Les Prairies 2012 à Rennes - Ille-et-Vilaine / Foxoo
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FranceIlle-et-Vilaine
Source : #25187 Publié le 09/11/12 | Vues : 116

Exposition Les Prairies 2012 à Rennes / Ille-et-Vilaine

Evènement passé.

Du 15 septembre au 9 décembre 2012 à Rennes.

Les Prairies par Anne Bonnin : "Le projet artistique a été écrit en réponse à un appel d'offre pour une biennale traitant des relations entre art et entreprise, art et économie. J'ai pris le mot-clé de cette biennale d'art, « entreprise » que j'ai mis à plat : en son sens premier, entreprendre signifie commencer (cf. « Je forme une entreprise ['] », Jean-Jacques Rousseau, dans le livre 1 des Confessions, en 1782). Cette attitude a progressivement construit une méthode, elle m'a guidée dans ma façon de travailler avec les artistes et dans mon approche du contexte de la biennale, que j'ai donc située dans un horizon concret. J'ai ainsi regardé la ville de Rennes dans son ensemble, mais surtout telle qu'elle s'est construite depuis les années 60. J'ai conçu le projet de la biennale à partir d'artistes dont je connaissais bien le travail, élargissant le choix ensuite par la prospection. La thématique de la conquête, qui est coextensive à celle de « prairies », puise à diverses sources et s'explique par plusieurs raisons : poser l'espace comme le lieu d'une pratique, réfléchir à des façons artistiques de travailler (dans) l'espace dont celui de l'exposition lui-même, aborder l'idée d'étendue et celle d'attitude, l'espace étant façonné par des attitudes. Que peut-on entreprendre, en effet, dans un monde hyper construit, perçu et représenté aujourd'hui comme saturé ?




Une figure de conquête
La figure du pionnier est déterminante dans cette problématique de la conquête et de la prairie. Le pionnier est un personnage ambivalent, positif et négatif : une figure de conquête historique et légendaire, qu'il s'agit de déplier dans ses aspects contradictoires. Si l'usage courant du terme demeure positif, désignant un précurseur, un défricheur qui déplace ou franchit les limites d'un domaine de recherche ou de connaissance, et ouvre des perspectives inédites, ses différentes incarnations historiques renvoient en revanche à une certaine négativité, celle du conqué- rant ou du colonisateur manifestant une tendance impérialiste propre à la civilisation occidentale.

Or, cet esprit conquérant anime l'histoire de la modernité, d'une modernité plurielle : scientifique, technique, politique et, bien sûr, artistique. Visionnaire, révolutionnaire, inventeur, bâtisseur, le pionnier aspire et prépare un monde nouveau. OEuvrant à l'avant-garde de la société ou de la vie quotidienne, il a ainsi incarné le héros de la modernité qui appartient désormais au passé. Tout comme l'expression « avant-garde », le terme « pionnier » a une origine militaire : dans l'armée, fantassin en première ligne ou terrassier qui prépare le terrain, dans les deux cas, une personne qui va à pied, située au bas de la hiérarchie militaire. On retient de l'étymologie trois caractéristiques du pionnier : une position (spatiale, sociale, intellectuelle), une mobilité, et une relation physique à un environnement. Si son étymologie définit un homme de peine, à la vie rude et rudimentaire, elle le dote d'une qualité essentielle : le mouvement ; sa racine, la même que « pion », qui a donné « péon », vient de pedonis. Cet être en mouvement est, autrement dit, déplacé. Déplacé : dans un autre pays, une autre société, un nouveau monde, dans lesquels il n'a pas de place.

Ainsi, cette figure qui se construit et se définit en rapport avec des espaces, des territoires, se comprend en termes d'attitude face à un espace. Les attitudes, les modes de vie culturels façonnent un environnement, sur un mode autoritaire ou selon un rapport plus intime d'interaction. La conquête s'incarne dans une variété de positions spatiales qui s'opposent : du pionnier américain au migrant post-colonial. La botanique offre aussi un modèle pour penser un rapport entre «individu» et environnement : il existe des plantes pionnières qui préparent le terrain à des végé- taux qui viendront après, ou bien des plantes qui colonisent des écosystèmes en détruisant leur variété.

La platitude
La Prairie, étendue herbeuse, espace et horizon ouvert se déployant à l'horizontale, est un lieu commun, paysager et poétique, et même un cliché cinémascopique : européen, américain, occidental. Recouvrant différentes espèces, prairies naturelles ou artificielles, variant selon le climat, la latitude ou le continent, avec une faune et une flore spécifiques (savane africaine, steppe russe, pampa argentine), elle appartient aussi au monde construit. Ainsi la prairie d'Amérique représente l'expérience d'une étendue non circonscrite, celle d'un espace et d'un horizon illimités. C'est précisément une géographie et une monotonie plates que Gertrude Stein, par exemple, transforme en une expérience poétique moderne ; en la dénudant platement, elle la détache de son origine. Une certaine platitude caractérise aussi la prairie générique, verte, européenne : platitude géographique et poétique. La monotonie produit la répétition.


La répétition accomplit l'idée d'un faire qui se fait en faisant ; elle produit une poétique du commencement par le faire, non par l'idéal. En explorant l'horizontalité, on découvre la verticalité de l'herbe : « Une étendue plate vue d'en haut et horizontale ; mais elle est faite d'une multitude de tiges dressées dont la verticalité lui confère sa « verte qualité » (Francis Ponge) [1]. On passe de l'étendue plate à l'étendue en trois dimensions, tout corps occupe une étendue dans l'espace, selon la définition première du terme. L'étendue n'est pas que surface : la littéralité retourne l'espace sur lui-même. Et la platitude mène à une vitalité simple : « La prise de conscience de la verticalité de l'herbe, la constante insurrection du vert qui nous ressuscite. » L'horizontalité matérialise aussi un principe égalitairede relations, se développant sur un même plan par opposition à une organisation verticale et hiérarchique. La platitude est en fait une attitude : une façon d'aborder l'étendue comme peuplement de choses, de choses égales, comme la mort. Mais c'est un commencement qui commence.

Les Prairies disent d'une façon littérale la mise à plat des pratiques d'espace : nombre d'oeuvres valorisent l'étendue et accordent une importance à des lieux concrets, des sites, dans leur complexité et leur histoire. L'« occupation des sols » semble une préoccupation pour des artistes qui ont intégré une histoire des pratiques de site (Katinka Bock, Fernanda Gomes, Guillaume Leblon) ; d'autres décomposent nos décors (Gyan Panchal), mettent à plat des profondeurs (Dove Allouche, Irene Kopelman, Batia Suter) ou développent une botanique des sols (Lois Weinberger). Les artistes d'aujourd'hui adoptent une attitude objectiviste ou littéraliste, ils mettent à plat la réalité, les choses, considérées par eux de façon égale ' ce qu'on leur reproche régulièrement. Rappelons que Manet fut un maître en platitude. Ainsi, « les artistes rendent visible la composition moderne » (Gertrude Stein) [2]: ils travaillent à partir d'un monde construit. Leurs oeuvres reflètent la composition du monde contemporain : la réalité comme composition. Pour le pionnier américain l'étendue a signifié une promesse, matérialisée en terre promise, vierge. Mais la prairie était habitée par des Indiens. Deux conceptions spatiales se sont affrontées, occupation et habitation.

Occuper, c'est prendre possession, cartographier, ordonner ; habiter, c'est percevoir « comme un entrelacs de lignes et non comme une surface continue » (Tim Ingold) [3], un environnement tissé de lignes de vie. La ligne droite et la grille ou bien la courbe, les lignes de vie, pistes tracées par des hommes et des animaux qui suivent la géographie. L'indien était le devancier du pionnier, auquel il a ouvert des pistes, celles que les animaux, les bisons, lui avaient enseigné. Les Prairies invitent à une traversée de la platitude, des platitudes. Epuiser par la répétition, la description ou dé- construire la « grammaire des lieux » vide le territoire de sa substance et le dissocie de son origine. On n'échappe pas à la tyrannie du contexte : le contexte aujourd'hui, c'est un monde de réseaux connectés mais déconnectés du concret. Les Prairies disent un besoin de prendre la réalité de plain-pied, dans sa littéralité ; une attitude-platitude qui à partir des lieux existants déploient des étendues".

[1] Francis Ponge, La fabrique du Pré, in OEuvres complètes, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2002.
[2] 2 Gertrude Stein, Lectures en Amérique, éd. Christian Bourgois, 2011.
[3] Tim Ingold, Une brève histoire des lignes, Zones Sensibles , 2011.

Exposition Les Prairies
Du 15 septembre au 09 décembre 2012
Les Ateliers de Rennes - Biennale d'Art contemporain
4 Rue d'Echange, 35000 Rennes



Rennes (35)

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